Voir ne dépend pas seulement des yeux
Après une opération de l’oeil, on s’attend à « mieux voir » rapidement. Pourtant, la vision ne se résume pas à la qualité de l’œil. Nous ne voyons pas seulement avec nos yeux, mais aussi avec notre cerveau, qui interprète et organise toutes les informations visuelles qu’il reçoit.
Certains implants peuvent offrir une image optiquement très nette. Mais si le cerveau n’est pas encore habitué à cette nouvelle façon de voir (plus de luminosité, davantage de contrastes, perception différente des distances, parfois des halos lumineux), il lui faut un peu temps pour apprendre à voir avec ces nouvelles informations. C’est une phase normale d’apprentissage visuel.
Le risque, à ce moment-là, est de juger trop vite le résultat de l’opération, alors que le système visuel – œil et cerveau ensemble – est encore en train de se réorganiser.
Ce que l’on sait du cerveau après une opération de l’oeil
Des travaux en imagerie cérébrale menés chez des patients opérés de cataracte avec implants, notamment multifocaux, montrent plusieurs éléments importants :
- dans les premières semaines, le cerveau utilise davantage certaines aires impliquées dans l’attention visuelle, l’apprentissage (apprendre à gérer une nouvelle qualité d’image) et le contrôle cognitif (effort pour gérer halos, éblouissements, superpositions d’images) ;
- au bout de quelques mois (environ 3 à 6 mois), l’activité de ces zones cérébrales tendent à se normaliser:
- les halos et la gêne à la lumière diminuent
- la qualité ressentie de la vision et la lecture s’améliorent
- les performances visuelles au quotidien deviennent plus confortables.
Autrement dit, l’apprentissage de la nouvelle vision se fait dans le cerveau, qui apprend à filtrer ce qui est gênant et à ne plus en tenir compte ainsi qu’à stabiliser la perception. Dans la plupart des cas, cette adaptation se fait sur quelques mois, avec pour certains patients une neuroadaptation plus lente qui peut durer plus de 6 mois.
Pourquoi cette adaptation est normale
Avant l’opération, les informations visuelles envoyées au cerveau au travers du cristallin cataracté sont des images plus floues, moins contrastées, parfois déformées ou voilées.
Après l’opération, du jour au lendemain, il reçoit plus de lumière, plus de détails, plus de contrastes, et des images avec des couleurs plus vives.
Toutes ces informations visuelles nécessitent un temps de neuroadaptation.
Ne pas juger le résultat trop tôt
Pendant cette période, il est fréquent de ressentir :
- une vision qui varie au fil de la journée
- une sensibilité accrue à la lumière
- des halos autour des lumières, surtout la nuit lors de la conduite
- une impression de « trop de détails » ou d’image trop vive
- une augmentation de l’attention lié aux nouvelles informations visuelles qui disparaitra doucement avec le temps.
Ces nouvelles perceptions visuelles ne signent pas un échec de l’opération. Elles traduisent le fait que le cerveau est encore en apprentissage.
Le résultat final se juge plutôt lorsque l’œil est bien cicatrisé et que le cerveau a eu le temps de s’adapter, c’est-à-dire après plusieurs semaines, voire quelques mois.
Comment accompagner cette phase
Quelques attitudes peuvent aider :
- accepter qu’il y ait une période d’adaptation : votre cerveau doit trouver un nouvel équilibre visuel
- reprendre progressivement certaines activités visuelles exigeantes (conduite de nuit, écrans, grands espaces très lumineux)
- traiter les facteurs locaux qui peuvent gêner l’adaptation (sécheresse oculaire, inflammation, correction résiduelle)
- éviter de comparer de manière obsessionnelle la vision de chaque oeil : la perception visuelle globale se fait les deux yeux ouverts.
Dans la grande majorité des cas, œil et cerveau finissent par trouver ensemble un nouvel équilibre, avec une vision plus net, plus confortable et adaptée à votre vie quotidienne.