Pourquoi les larmes deviennent inflammatoires et quels facteurs déclenchent la sécheresse oculaire

Comprendre ce qui rend les larmes inflammatoires

Quand il existe une inflammation de la surface, elle peut être primaire, en lien avec une immunité non régulée (allergie ou auto-immunité) ou avec une altération de la qualité des larmes qui deviennent biochimiquement inflammatoires.

Ces larmes peuvent :

  • être acides ;
  • être riches en cytokines ou prostaglandines ;
  • présenter une osmolarité augmentée et créer un flux osmotique depuis le cytoplasme des cellules épithéliales ;
  • avoir une couche lipidique altérée induisant une évaporation excessive et un frottement « irritant » marqué des paupières par manque d’une couche de glissement ;
  • ne plus protéger la surface oculaire par leur absence, avec comme conséquence un « collage » augmenté des particules environnementales sur la muqueuse oculaire induisant une irritation chronique.

L’ensemble de ces altérations fait le lit de l’inflammation chronique.

Les facteurs à l’origine de ces altérations

Concernant la composition biochimique des larmes, il est expliqué aux patients que « leurs larmes ne tombent pas du ciel » et que leur composition est le résultat d’un processus complexe initié dans leur alimentation : la manière dont leur alimentation est transformée par leur tube digestif et les 2 ou 2,5 kg de bactéries composant leur microbiote.

Ce microbiote, véritable organe vivant en symbiose avec nous, conditionne la manière dont les aliments passent la muqueuse digestive, sont filtrés et transformés par le foie, puis sécrétés dans le flux sanguin pour enfin nourrir les tissus et les organes composant l’organisme. Cette mécanique peut dysfonctionner à différents niveaux et modifier la composition des larmes.

Si c’est le cas, les traitements locaux peuvent traiter les symptômes mais les résultats obtenus au long cours ne sont pas très convaincants. Ces patients reviennent régulièrement en consultation car leurs symptômes ne sont pas guéris ; nous traitons les symptômes mais nous n’abordons pas le fond du problème.

Inflammation chronique et modification du microenvironnement oculaire

Les épithéliums de la surface oculaire changent leur différenciation terminale parce que leur microenvironnement se modifie, c’est-à-dire le milieu dans lequel les cellules épithéliales prolifèrent et se différencient. Si ce milieu est altéré, les cellules modifient leur comportement et leur fonction.

Lorsque l’inflammation de la surface est chronique :

  • la cornée peut se transformer en conjonctive (conjonctivalisation) ;
  • s’il existe une sécheresse oculaire importante, l’épithélium de la cornée peut prendre les attributs de l’épiderme ou épithélium de la peau (kératinisation) ;
  • une carcinogenèse peut apparaître si l’inflammation se prolonge plusieurs années.

Ces observations cliniques confirment que l’environnement biochimique des larmes est un élément déterminant du bon fonctionnement de la surface oculaire.

Un problème systémique, pas seulement oculaire

Une altération du microbiote digestif peut conduire à une augmentation de la perméabilité intestinale et contribuer à l’inflammation chronique de bas grade. Cette inflammation peut influencer la surface oculaire et participer à la genèse de maladies telles que les sécheresses oculaires ou certaines inflammations de la surface.

Cette approche permet de comprendre pourquoi un seul traitement ou un seul protocole ne suffit pas. Il s’agit plus d’un parcours de soins que d’appliquer la même recette pour tous les patients.

Conclusion

Les larmes deviennent inflammatoires lorsque la surface oculaire est exposée à des altérations biochimiques qui déstabilisent le film lacrymal : acidité, cytokines, osmolarité, défaut lipidique, absence de larmes protectrices. Ces anomalies découlent souvent d’un dysfonctionnement plus global, impliquant le microbiote, la digestion et l’inflammation chronique.

Comprendre ces mécanismes permet d’envisager une prise en charge qui ne se limite plus au symptôme, mais s’intéresse à l’origine du déséquilibre.

Une série d’articles pour mieux comprendre le lien entre micronutrition et maladies chroniques de la surface oculaire

Cette série d’articles est issue de la publication « Micronutrition et maladies chroniques de la surface oculaire » du Dr François Majo consacrée aux liens entre nutrition, microbiote et maladies chroniques de la surface oculaire. Elle explore étape par étape la manière dont notre alimentation, notre microbiote, notre environnement biologique et nos habitudes de vie influencent directement la santé de nos yeux. Vous trouverez ci-dessous l’ensemble des articles de la série, ainsi que la publication scientifique originale qui sert de référence.

  1. La surface oculaire, un miroir du corps et une nouvelle compréhension clinique
  2. Pourquoi les larmes deviennent inflammatoires et quels facteurs déclenchent la sécheresse oculaire
  3. Comment vos yeux se régénèrent et qu’est-ce qui fait vraiment changer la surface oculaire
  4. L’axe intestin–œil et comment une flore déséquilibrée peut déclencher des problèmes oculaires
  5. Ce que montrent réellement les études sur les compléments alimentaires et la santé oculaire
  6. Comment le film lacrymal, le microbiote et la vitamine A protègent vos yeux de la sécheresse
  7. Comment mettre en pratique la micronutrition pour traiter les maladies chroniques de la surface oculaire

Date de publication

Auteur au sein du COG

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