Le rôle essentiel de la vitamine A dans la surface oculaire
Cela est connu de tous, les déficits en vitamine A ont des conséquences directes sur l’épithélium conjonctival en diminuant la sécrétion de mucines, qui est un élément fondamental pour la stabilité du film lacrymal. Par ailleurs, la vitamine A est un élément clé pour maintenir la trophicité des épithéliums.
L’amélioration des symptômes liés à la sécheresse oculaire par la prise d’antioxydants oraux est secondaire à l’amélioration de la stabilité du film lacrymal et à l’amélioration de la qualité de l’épithélium conjonctival.
Microbiote intestinal et maladies auto-immunes touchant la surface oculaire
L’altération du microbiote intestinal est associée à de nombreuses pathologies auto-immunes, dont le syndrome de Gougerot-Sjögren primaire. Dans cette étude, les auteurs retrouvent un lien entre dysbiose et syndrome de Gougerot-Sjögren tant au niveau clinique que biologique, avec des signes d’inflammation gastro-intestinale (augmentation de calprotectine fécale).
Dans un modèle murin de sécheresse oculaire, la prise du probiotique IRT5 améliore le microbiote intestinal et augmente de manière indirecte le débit de sécrétion des larmes. Il semble que le microbiote intestinal pourrait agir de manière indirecte sur les glandes lacrymales en régulant un processus inflammatoire systémique.
Ce résultat est confirmé et est précisé par une autre étude qui montre que le microbiote intestinal peut moduler le ratio entre les cytokines pro-inflammatoires, comme le TNF-alpha, et les cytokines anti-inflammatoires, comme l’IL-10. Chez la souris, le volume des larmes est directement amélioré avec la prise de probiotiques anti-inflammatoires, contenant des Lactobacillus plantarum NK151 et du Bifidobacterium bifidum NK175.
Probiotiques lacrymaux : une piste explorée
D’autres auteurs ont imaginé d’instiller un mélange de bactéries au niveau des larmes pour améliorer la flore locale. Le mélange utilisé comprenait le Saccharomyces boulardii et l’Enterococcus faecium. Il s’agissait d’une étude transversale et le groupe au bénéfice des probiotiques lacrymaux a montré une amélioration du Schirmer I et II, ainsi que du Break-Up Time.
Un résultat comparable a été obtenu avec une supplémentation par Bifidobacterium lactis et Bifidobacterium bifido.
L’axe entero-oculaire : une compréhension émergente
Des chercheurs ont étudié le lien existant entre la modification du microbiote intestinal et certaines maladies extradigestives, avec un focus particulier sur les maladies oculaires suivantes : kératites bactériennes et fongiques, uvéites, dégénérescence maculaire liée à l’âge et pathologies touchant la muqueuse ou la surface oculaire. Il apparaît qu’un lien semble exister entre anomalies du microbiote intestinal et certaines pathologies oculaires, mais des études supplémentaires seront nécessaires.
La notion de « Gut-Eye-Lacrimal Gland-Microbiome » est discutée. Cette étude montre le rôle protecteur d’une flore digestive saine dans le bon fonctionnement de la surface oculaire et dans sa bonne « santé ». L’utilisation d’une antibiothérapie systémique ou d’un modèle de « Germ Mice Free » a permis une mise en corrélation de la qualité de la surface oculaire avec la modification du microbiote intestinal dans ces deux situations expérimentales.
Conclusion
L’ensemble de ces résultats montre que la qualité du film lacrymal, l’intégrité de l’épithélium conjonctival et la santé des glandes lacrymales sont étroitement dépendantes :
- de l’équilibre en vitamine A ;
- de la stabilité des mucines ;
- de l’état du microbiote intestinal ;
- de la régulation de l’inflammation systémique par les probiotiques.
La sécheresse oculaire apparaît ainsi non seulement comme une pathologie locale, mais aussi comme l’expression d’un déséquilibre plus global impliquant immunité, microbiote et métabolisme.
Une série d’articles pour mieux comprendre le lien entre micronutrition et maladies chroniques de la surface oculaire
Cette série d’articles est issue de la publication « Micronutrition et maladies chroniques de la surface oculaire » du Dr François Majo consacrée aux liens entre nutrition, microbiote et maladies chroniques de la surface oculaire. Elle explore étape par étape la manière dont notre alimentation, notre microbiote, notre environnement biologique et nos habitudes de vie influencent directement la santé de nos yeux. Vous trouverez ci-dessous l’ensemble des articles de la série, ainsi que la publication scientifique originale qui sert de référence.
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